Friday, May 14, 2010

La solution fédérale

Le conflit israélo-palestinien est essentiellement un conflit entre souverainetés territoriales.
Territoire palestinien morcelé, Palestiniens devant traverser le territoire israélien entre Gaza et la Cisjordanie, familles éclatées entre les divers territoires, frontières et points de contrôle, droit au Retour de plusieurs millions de réfugiés palestiniens qui met en danger la majorité juive en Israël, près de 250,000 colons dans les implantations juives en territoire palestinien, 20 % de citoyens israéliens palestiniens qui pourraient demander leur autonomie ou leur rattachement au futur État palestinien, impossible partition de Jérusalem, tels sont les pièces d'un puzzle territorial impossible à construire.

Séparation politique - non territoriale
Israéliens et palestiniens savent très bien qu'il y a largement la place et les ressources pour que leur deux peuples puissent vivre ensemble sur le territoire entre mer et Jourdain en bonne entente, et même développer une coopération fructueuse. Mais ils ont d'abord besoin d'être séparés et indépendants pour pouvoir panser les plaies du passé, et pour pouvoir ensuite collaborer en tant que partenaires libres et égaux. Toutefois, les deux peuples sont si intriqués l'un dans l'autre que la solution de séparation par partage territorial est difficilement praticable et réserve d'innombrables sources de conflit pour le futur. Cette solution a surtout le tort de transformer le contrôle du territoire en moyen de contrôle de l'autre, et de faire de la domination du territoire un enjeu vital.
Je propose ici une solution qui permet aux deux peuples de se séparer politiquement sans partition territoriale, et de rendre leur existence indépendante du territoire, comme c'était le cas pour les Arabes nomades et les Juifs en exil.

Plus de "problème démographique"
Imaginons qu'un Palestinien puisse vivre où il veut sur le territoire d'Israël, tout en étant un citoyen palestinien qui vote pour le gouvernement de l'État palestinien. En quoi sa présence personnelle, individuelle, à Jaffa ou Haïfa me dérangerait-elle? En rien, puisque ne votant pas pour la Knesset, il ne risque pas de renforcer un camp arabe qui risquerait de devenir majoritaire et de prendre le pouvoir en Israël. Ainsi, la présence personnelle physique de citoyens palestiniens résidant en Israël ne met pas en danger le but fondamental du sionisme: assurer au Peuple Juif l'indépendance nationale, lui garantir que son sort ne dépend pas d'un autre peuple.
Même si un nouveau quartier arabe palestinien se développait dans l'une des villes israéliennes, en jouissant d'une autonomie communautaire entière dans la gestion de ses affaires municipales, en quoi cela me gênerait-il dans ma vie quotidienne d'Israélien? Et si cette population palestinienne devenait de plus en plus nombreuse, et même majoritaire dans certaines régions, en quoi cela me ferait-il problème si ces Palestiniens continuent à être des citoyens palestiniens qui votent pour leur gouvernement et non pour la Knesset? Quels que soit leur nombre et leur autonomie communautaire, des citoyens palestiniens de l'État de Palestine résidant en Israël ne mettront jamais en danger la majorité juive de la Knesset, et le caractère juif de l'État d'Israël.
Ce qui fait peur, c'est qu'une communauté palestinienne importante puisse demander ensuite son rattachement à l'État palestinien, entamant d'autant le territoire israélien. C'est la métaphore généralement employée du salami: découpé tranche après tranche. Ce qu'il faut voir, c'est que le danger réside dans le caractère territorial du rattachement, et non dans son caractère politique, qui ne gène personne. Or, ce danger existe déjà, au moins dans la tête de nombreux Juifs israéliens, en ce qui concerne les citoyens arabes palestiniens d'Israël.

La solution idéale est que les deux États israélien et palestinien perdent tout caractère territorial et que leur souveraineté n'ait par essence qu'un caractère purement personnel: la souveraineté s'applique alors aux individus et non au territoire. Autrement dit, la loi de chaque État, à l'image de la Halakha et la Shaaria`, soumet et libère chacun de ses citoyens personnellement, et non le territoire où il se trouve. Des Arabes peuvent alors vivre au milieu de populations juives, des Juifs peuvent vivre au sein de populations arabes, chacun détenant la carte d'identité délivrée par son gouvernement, sans mettre en danger la souveraineté nationale de leur voisin: chacun peut librement circuler et résider où il veut tout en restant soumis aux lois et aux modes de vie que son peuple à librement choisi. Le "danger démographique" disparaît alors. Cette notion détestable, qui fait à la naissance de chaque bébé innocent dans un peuple, résonner le tic tac de la "bombe démographique" pour l'autre peuple, cette notion haineuse n'aura plus de raison d'être. Chacun des peuples peut alors appliquer le droit au retour de ses exilés sans inquiéter l'autre. Loi du Retour pour les Juifs, Droit au Retour pour les Palestiniens, ne pourront être entravés.

Sécurité
Certes, me direz-vous, si vous m'avez suivi jusqu'ici, nous avons à présent deux États non territoriaux, à souveraineté personnelle, sur un même territoire commun et sans frontières intérieures. Tout cela est parfait, mais comment défend-on ce territoire d'Eretz Israël - Palestine de la souveraineté territoriale gourmande de ses voisins, comment s'assure-t-on qu'un des deux peuples ne réussira pas à dominer l'autre, comment allons-nous gérer ce territoire, les terres publiques, les routes, les réseaux d'énergie et de communication?
La solution la plus forte réside dans la création d'un cadre juridique commun souverain sur le territoire: une fédération, qui seule possèdera la souveraineté territoriale. Le territoire sera défendu, géré et détenu par la Fédération israélo-palestinienne. L'armée de défense du territoire devra comporter à terme des unités palestiniennes et israéliennes travaillant sous une direction commune, postées sur l'ensemble des frontières. Ne pas avoir seul le contrôle des forces de défense est certainement le plus difficile élément du compromis à accepter, car il sera assimilé par chacun à une grave atteinte à sa souveraineté nationale. Cette difficulté provient d'une confusion idéologique: dans un État de droit, c'est la Loi qui est instrument de la souveraineté, et non l'armée. L'organe exécutif de la loi, qui la fait respecter, est la police, et non l'armée. Ainsi, certains croient qu'en retirant son armée des "Territoires", Israël "donne" quelque chose aux Palestiniens, mais on ne peut donner ce que l'on ne possède pas! Les "Territoires" sont des territoires détenus militairement, ils n'ont jamais été annexés par l'État israélien. Seule l'annexion, élargissant la validité de la loi nationale aux territoires annexés, donne à l'État propriété sur ceux-ci, non l'occupation militaire. Ceci montre bien que c'est la loi qui réalise la souveraineté, et non l'armée. Le caractère territorial de la souveraineté nationale contribue à cette confusion: contrôlant le territoire, on croit le posséder et y avoir étendu sa souveraineté, alors qu'on ne fait que l'occuper et y imposer son ordre militaire. Il n'y a de souverain que choisi ou au moins accepté par son peuple.
Les forces militaires seront donc une armée de défense fédérale, associant unités israéliennes et palestiniennes, pur instrument de défense - selon l'idéal originel de Tsahal - dont le but est uniquement la défense des frontières extérieures.
Il existe une solidarité naturelle qui unit les Palestiniens et les autres peuples arabes de la région. Pour répondre aux soucis sécuritaire des Israéliens, la direction de l'armée ne deviendra paritaire que de façon progressive, à mesure que des traités de paix auront lié les Etats arabes à la Fédération.
L'ordre et la sécurité intérieure seront assurés par des forces de police exclusivement: police israélienne, police palestinienne, polices municipales aux pouvoirs renforcés, et police fédérale comprenant des unités mixtes.
L'attribution de compétences et de pouvoirs élargis aux municipalités et mairies de quartier sera un moyen efficace de limiter les frictions entre les deux peuples.

Citoyenneté fédérale commune et égalitaire
Une commission paritaire israélo-palestinienne gérera conjointement les terres publiques et les ressources en eau, en assurant équitablement le développement urbain et agricole des deux populations.
Tous les domaines relevant de la gestion du territoire dans son ensemble: environnement, voies de communications, réseaux d'énergie et d'information, seront du ressort de l'administration fédérale.
La protection sociale, la santé et tout ce qui relève des droits de l'homme en général sera de ressort de l'Etat fédéral; une commission économique fédérale devra veiller à réduire les disparités économiques entre les deux peuples.
L'administration fédérale contrôlera le droit d'entrée et de résidence sur le territoire fédéral.

Jérusalem
Jérusalem sera à la fois la capitale politique de la fédération et des deux États non-territoriaux. La municipalité fédérale coordonnera l'action des différentes mairies de quartier juives et arabes en harmonisant leur développement. Ce schéma pourra être le modèle de fonctionnement des différentes villes mixtes du pays.
Jérusalem résume aujourd'hui tous les conflits entre les deux peuples, et sera le symbole vivant de leur résolution: à la fois capitale fédérale unifiée et double capitale de deux États - Yéroushalayim-Al Quds - Jérusalem symbolisera l'unité dans le respect des différences, sans mur ni barbelés.
Nous aurons alors peut-être le privilège de voir se réaliser la prophétie selon laquelle toutes les Nations monteront à Jérusalem pour étudier son exemple de paix et de justice.

Yehuda

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