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Tuesday, January 25, 2022

Le fédéralisme comme réponse au défi du conflit israélo-arabe

Le fédéralisme comme réponse au défi du conflit israélo-arabe

par Hazem H. Hanafi jeudi 13 mai 2010

C'est moi qui souligne.

Comment le fédéralisme pourrait-il répondre à certains des défis actuels auxquels le monde arabe est confronté ? Réussirait-il mieux à gérer, tempérer ou résoudre les conflits qui hantent encore cette région ? J’examinerai le défi le plus aigu : le conflit israélo-arabe.

La complexité de ce conflit particulier avec ses aspects historique, religieux, politique, légal, culturel et socio-économique n’a pas besoin d’être soulignée.

Au coeur du problème il y a deux versions contradictoires sur le « nous » et « les autres ». Pour les Arabes, Israël représente un projet d’installation coloniale auquel il faut résister. Pour les Juifs, il s’agit du projet de construction d’une nation qu’il faut protéger. Il n’est pas facile d’aller vers un compromis et le dilemme entre résistance et coexistence continue à hanter les différentes solutions à ce conflit irréductible.

La pierre d’achoppement réside dans la dispute concernant un territoire géographique spécifique. L’histoire, la religion et le droit ont été utilisés par chacune des parties pour justifier les revendications et les contre-revendications [1], la plus sérieuse étant que l’autre est juste une « communauté imaginaire » [2]. Les solutions ont varié entre partager le pays sous la forme d’un Etat [3] ou d’une organisation fédérale [4] ou en divisant le pays en deux Etats séparés [5] ou encore à travers des institutions fédérales et/ou confédérales. [6] Des solutions fédérales sont communes à ces deux approches qui seront au centre de ce texte. Il est important de revisiter la liste de David Elazar des onze options fédérales, publiée il y a deux décennies et de prendre en compte les développements qui ont renforcé la viabilité de sa première option, une fédération israélo-palestinienne, et disqualifié les autres. [7] Ses options allaient depuis une organisation israélo-palestinienne exclusive (1-4), une organisation entre Israël et la Jordanie incluant les Palestiniens (5-6), l’absorption par Israël des territoires occupés (7-8) et une organisation multilatérale avec des partenaires de la région sur une base limitée (9-11). Avec l’affirmation récente de l’identité nationale palestinienne à travers l’Intifada (le soulèvement palestinien) de 1987 à 1991 et de 2000 jusqu’à aujourd’hui, la séparation du lien entre la Jordanie et la Cisjordanie en 1988, le processus de paix israélo-palestinien qui conduisit à la création de l’Autorité palestinienne, le Conseil législatif national et la réalisation d’élections parlementaires et législatives disputées en 1996 et 2006, il est aujourd’hui inconcevable de ne pas considérer les Palestiniens comme un partenaire national à égalité. [8] Cela invalide les autres options incluant les Palestiniens dans un plan de paix général israélo-jordanien, affirmant un contrôle israélien sur les territoires occupés ou concluant des accords multilatéraux régionaux limités. La remarquable identité politique palestinienne a démontré qu’elle était très déterminée et énergique. Ces mêmes développements apportent un soutien supplémentaire à l’option d’une fédération israélo-palestinienne bi-nationale, bilingue, bi-communautaire et bi-étatique, avec Jérusalem comme siège du gouvernement fédéral. Une confédération entre les deux laisserait les deux parties avec de sérieuses préoccupations sécuritaires et une tension continuelle lorsque chaque communauté, insatisfaite de la « moitié » qu’elle aurait obtenu, regardera la « moitié » qu’elle a perdu. Une solution fédérale utilisant des éléments à la fois de « gouvernement séparé » et d’ « auto-gouvernement » est l’option la plus viable. Elle donnerait à chaque partie un sentiment d’identité territoriale avec des droits garantis par une constitution qui ne serait pas amendée par un groupe qui obtiendrait la majorité dans un Etat unitaire. En ayant une union fédérale gérant les deux pays d’Israël et de Palestine, cela permettrait à chacun des membres de cette union de revendiquer le pays dans son ensemble comme étant le leur et dans le même temps cela garantirait à chaque communauté un Etat territorial séparé avec ses propres lois qui s’appliqueraient.

Une telle solution supposerait que chaque partie reconnaisse l’autre comme une nation égale. Les relations communautaires qui existaient durant les siècles de domination ottomane [9] et durant une bonne partie du 20° siècle [10] pourraient servir en tant qu’expérience historique commune sur laquelle construire, comme la « disqualification de l’intégration nationale, la partition, la double autorité et le contrôle comme mécanismes pour la résolution des conflits, nous amènent à examiner différentes organisations de gouvernement partagé comme une base viable pour la stabilité politique. [11]

Le leadership israélien et l’opinion publique se réfèrent au problème du soulèvement palestinien en tant que violence inter-communautaire alors que cela masque la négation d’un nationalisme palestinien et ils sont en faveur de solutions fédérales, mais dans le contexte d’une « autonomie » sous contrôle israélien ou d’une « entité » palestnienne incorporée à la Jordanie. [12]
Certains, par ailleurs, ne sont pas d’accord que le fédéralisme puisse opérer en tant que solution au conflit israélo-arabe et croient que « des avancées à petits pas » sont plus sûres et plus réalisables. [13]

La fédération pourrait être parlementaire et agglomérer les systèmes parlementaires actuels d’Israël et de l’Autorité palestinienne. Une union d’Israël et de la Palestine basée sur l’expérience du Royaume uni pourrait éviter les problèmes liés à la classification de la fédération soit comme juive, soit comme arabe, tout en préservant cette identité au niveau de l’Etat. Une identité politique légère associée à la fédération permettrait à la fois aux Juifs et aux Arabes de conserver leurs propres symboles nationaux à travers lesquels chacun est associé et l’autre exclu. [14]

Une constitution fédérale définirait la distribution des pouvoirs et des fonctions et, comme il s’agirait d’une fédération bi-communautaire composée de deux communautés nettement différentes, il faudrait maintenir un équilibre entre asymétrie et égalité.

C’est similaire au débat qui se déroule au Canada sur le Québec et on bénéficierait de la notion de la concurrence et de la prédominance provinciale, avec une distribution symétrique mais une application asymétrique. [15] Chacun disposerait de la souveraineté dans ses territoires dans des domaines spécifiques tels que l’éducation, la culture, le droit, la santé, la police, tandis que les autres seraient laissés au gouvernement fédéral. La liberté de mouvement et d’installation serait garantie et il serait possible d’autoriser des restrictions pour un temps limité dans un but particulier. La nécessité d’une application asymétrique est essentielle pour prendre en compte la structure asymétrique du pouvoir et de la relation entre les deux communautés ainsi que leurs rapports avec leurs « diasporas » respectives.

La Belgique apporte un autre outil original pour une fédération non territoriale. [16]. Les Juifs comme les Palestiniens pourraient avoir leurs droits qui les suivraient où qu’ils soient. Cela pourrait résoudre le problème de la minorité juive restant dans l’Etat palestinien mais qui refuserait d’être soumise aux lois palestiniennes. De la même manière, cela pourrait résoudre le problème des Palestiniens résidant en Israël et qui préfèraient obéir aux lois palestiniennes. D’un point de vue israélien, une fédération non-territoriale serait moins menaçante pour la sécurité de l’Etat car elle éviterait les revendications territoriales de la population arabe qui, dans cette perspective, serait partagée et ne constituerait pas un corps cohérent. [17]

Une organisation fédérale traditionnelle ne permettrait pas que les entités constituant la fédération aient un rôle formel dans les affaires étrangères et les relations internationales, mais cela est en train de changer. [18] L’Etat palestinien pourrait être représenté au sein de la Ligue arabe en tant qu’Etat arabe, discuter et voter sur des questions qui relèvent directement de sa souveraineté telles que l’éducation, la culture et la santé. Seules les questions politiques seraint exclues parce que le gouvernement fédéral devrait en être responsable. La même chose s’appliquerait à l’Etat des Israéliens. Les Etats palestinien et israélien pourraient tous les deux avoir des bureaux commerciaux à l’étranger pour s’occuper de leur commerce, promouvoir des investissements ou le développement de ressources naturelles, en coopération avec le gouvernement fédéral en tant que de besoin.

Avec une solution politique fédérale praticable, la force de chaque communauté -que l’autre a essayé de saper- pourrait devenir une valeur ajoutée pour une coopération et un développement partagés à leur bénéfice mutuel. Surtout, cela aurait un effet positif de domino sur la politique générale et le développement économique du Moyen-orient en supprimant un catalyseur de conflit qui contribuait à empêcher le progrès, la paix et la démocratisation. [19]

Tuesday, June 8, 2010

Israël Etat juif?

Philippe, un visiteur du blog, m'a envoyé le message suivant :
"A propos d'israel comme Etat juif

Bonjour,

je découvre votre blog avec beaucoup d'intérêt. Je voudrais vous poser une question: je comprends bien l'importance pour les juifs, de part de le monde, de préserver le judaïsme de l'Etat d'Israël et je comprends également l'inquiétude des Israéliens devant la menace que fait peser les évolutions démographique sur cet aspect. Bien qu'étant non juif, la majorité de mes amis le sont: je sais l'importance d'Israël pour eux et je ne peux envisager un instant qu'Israël ne reste pas, ad vitam eaternam, la patrie du peuple juif.
LabyrintheDans le même temps, je me pose une question "philosophique". Comment accepter de construire un Etat fondé sur une ethnie/une religion (le judaisme a ceci de particulier que la religion et l'ethnie se confondent - ce qui est probablement pour beaucoup dans les persécutions qu'à connu ce peuple) alors même que c'est cette idée même de construire un Etat fondé sur la "pureté" ethnique qui est à l'origine de la pire barbarie dont le peuple juif a souffert? N'y a t-il pas là une contradiction fondamentale?

Je n'ai pas de réponse évidente à cette question et je serai heureux de lire votre point de vue.

Merci d'avance."
J'ai répondu longuement, mais ma réponse est restée sans suite. J'aurai pu me débarrasser de la question en quelques mots: les Juifs (écrit avec une majuscule) sont un peuple historique, et non une ethnie et/ou une religion, donc ils un droit à un Etat selon le principe du droit à l'autodétermination des peuples.

Mais il est clair que pour un Français républicain - comme pour le citoyen de tout autre Etat-Nation - les citoyens juifs de son pays sont une part intégrale de sa nation, et ne peuvent donc être compris que comme une des ethnies ou religions qui la compose, et non comme une nation à part entière. Il n'y a plus guère que des antisémites pour considérer les juifs comme un vrai peuple!
J'ai donc développé ma réponse pour apporter les éclaircissements conceptuels qui s'imposent. Je la publie ici:

Le problème vient de la nature de l'Etat-Nation
Je suis d'accord sur le fait qu'il y a contradiction entre judaïsme et Etat, mais je vois cette contradiction différemment.

Je pense d'une part que le peuple juif n'est pas un mélange d'ethnie et de religion. Ces concepts n'existent pas dans le judaïsme ou la Bible, et lui sont étrangers au fond.
Pour parler en français d'aujourd'hui, je pense qu'il serait plus juste de dire que le judaïsme est originellement une sorte de république spéciale: sa constitution est la Bible, son souverain est le Créateur du monde qui lui a donné ses lois fondamentales, son territoire est la Terre d'Israël qui appartient au "Roi des rois", mais la souveraineté de ce dernier n'est pas territoriale, elle est personnelle et s'applique aux citoyens de cette république, les membres de l'Alliance (du "contrat social" juif, en grossière approximation) où qu'ils soient sur terre, chacun personnellement.

"Dieu", le souverain de la Respublica Hebraeorum (pour reprendre l'expression consacrée par Bertram, Cunaeus, Althusius, Grotius, Selden et autres théoriciens politiques des débuts de la Réforme), est roi au sens politique aussi du terme: le judaïsme n'est pas une religion, ou pas qu'une religion. La Bible est la première à avoir séparé les pouvoirs des prêtres de celui du roi. Contrairement à ce que l'on croit généralement, les rabbins sont des laïcs, à la différence des prêtres (cohanim) qui n'ont plus de fonction depuis la destruction du temple. Elle a institué il y a 3000 ans l'idée même de citoyenneté égale devant la loi, les droits égaux pour l'étranger, la conscription nationale, l'impôt égal pour tous, la réforme agraire (partage de la terre sous Josué), la protection sociale (de l'étranger, la veuve, l'orphelin, la lutte contre la pauvreté), etc. Voir Pentatheuque.

Tout homme, de quelque origine qu'il soit, peut rejoindre le peuple juif par naturalisation (plutôt que par "conversion"), en reconnaissant le Souverain et en entrant dans son Alliance-contrat, donc les juifs ne forment pas une ethnie. Nous sommes d'ailleurs probablement majoritairement descendants d'étrangers "naturalisés juifs" plutôt que d'hébreux d'origine.

Il faut dire aussi que la Terre d'Israël n'est pas une "terre-mère", une "mère-patrie"; la terre-mère des Hébreux, c'est l'Egypte. Ceux-ci sont un peuple adulte et émancipé, une nation douée d'une constitution, AVANT de conquérir leur Promise, la terre-femme de Canaan. C'est le cas aussi des Juifs d'aujourd'hui qui existaient en tant que peuple longtemps avant la création de leur Etat. C'est pour cette raison qu'ils ont pu survivre en exil, sans territoire propre, installés dans l'Etat portable produit par les institutions et lois talmudiques.

Pour les nations païennes antiques, la terre est terre-mère, elles sont "autochtones", nées du sol, produites par la nature qui les domine et les soumet au déterminisme de sa loi. Le peuple vit en symbiose avec sa terre, nourrisson accroché à son sein, et disparaitra si celle-ci lui est retirée.
Le problème est que politiquement parlant, l'Etat-Nation moderne a largement gardé cette même identité païenne. Son territoire est une mère-patrie, sa matrice aux sillons abreuvés unit tous les citoyens - quelque soit leur ethnie d'origine - par le droit du sol, en un seul peuple "enfant de la patrie", et en une même égalité. Le problème aussi est que ce peuple détient la souveraineté; deux rois ne peuvent partager une même couronne, il ne peut donc y avoir deux peuples dans un seul Etat-Nation: il est impossible d'être Juif ou Arabe en France ou ailleurs, au sens national et politique du terme. Le Juif ou l'Arabe sont sommés de devenir des membres du Peuple Français, de la Nation Française, des "français musulmans" ou des "français israélites". Pas la moindre tolérance pour quelque nation étrangère sur le sol de l'Etat. Pas question de donner les mêmes droits à l'étranger - en tant que tel - et au citoyen - contrairement au commandement biblique. Les Droits de l'Homme, c'est pour le citoyen!

Nous pouvons déjà dire: qu'est-ce que l'Etat juif? C'est l'Etat où l'étranger est chez lui en tant qu'étranger.

En exil pendant des siècles et sous l'Ancien Régime, les Juifs ont vécus dans des communautés qui jouissaient d'une autonomie juridique entière, et d'une quasi-autonomie politique en tant que vassaux reconnus du roi étranger. Toutes les communautés juives du monde vivaient cette même situation extra-territoriale, et étaient administrées selon la même législation talmudique. Ils étaient des étrangers discriminés, certes, mais reconnus en tant que Nation, pourvu de lettres patentes,  et tolérés sur le sol du royaume, entre deux expulsions parfois, il est vrai.

L'Etat-Nation inventé par la révolution française et promu par Napoléon a détruit cet équilibre. L'identité nationale juive a alors éclaté entre religion "israélite" et nationalisme politique sioniste. Puis l'Etat-total hitlérien a complété cette destruction spirituelle par une destruction physique.

L'Etat d'Israël, construit en imitation du modèle de l'Etat-Nation européen par des Juifs assimilés qui avaient perdu le sens de leur propre identité, a reproduit le problème qui lui a donné le jour: tout comme la Révolution a "donné tout aux juifs en tant que citoyens et rien en tant que Nation", l'Etat d'Israël donne tout - en principe - aux "arabes israéliens" en tant que citoyens égaux, mais rien en tant que collectif national.
Les Arabes d'Israël ressentent aujourd'hui ce que les Juifs européens ressentaient jadis: ils n'ont pas de place dans l'Etat où ils vivent, leur peuple n'y est pas reconnu.
Mais les Arabes-palestiniens israéliens ne sont pas des étrangers immigrés comme les maghrébins en France ou les timides juifs de diaspora. Ils se considèrent comme les propriétaires authentiques de la terre et ne se laisseront pas soumettre encore longtemps...

Le problème supplémentaire est que la nature de l'identité juive interdit la fusion des peuples juif et palestinien en une seule nation israélienne, sur le modèle à la française. Les Palestiniens d'Israël non plus ne voudraient pas disparaître au sein d'un hypothétique "peuple israélien".
Mais la nature de l'Etat-Nation démocratique interdit la coexistence de deux peuples sur un même territoire! Le peuple majoritaire - les juifs - craint tout le temps de perdre le pouvoir et fait tout pour empêcher la minorité "ethnique" de se renforcer. C'est le fameux "problème démographique" qui conduit à une discrimination dans les faits, malgré l'égalité sur le papier. Il ne faut pas y voir - malgré les apparences parfois - une discrimination raciste délibérée: c'est une discrimination POLITIQUE, qui est inévitable dans le sytème de l'Etat-Nation démocratique et territorial du peuple juif, malgré toute la bonne volonté des juifs israéliens eux-mêmes.
Lorsque j'explique à des Arabes-palestiniens "de l'intérieur" (comme ils se nomment eux-mêmes) que, certes, les citoyens français d'origine arabe ne sont pas discriminés (quoique...), mais que les "petits beurres" nés en France ne savent plus parler arabe, et ne connaissent pratiquement rien à leur religion, ils sont très choqués. Les arabes israéliens jouissent d'une autonomie éducative, culturelle et religieuse entière en Israël, et la négation de l'identité culturo-nationale arabe et musulmane qui règne en France leur apparaît comme un crime et une humiliation bien plus grave que ce qu'ils vivent en Israël: essentiellement un blocage relatif de leur promotion au sein de l'élite politique et économique de l'Etat, avec ses conséquences au niveau local.
Cette situation est moralement inacceptable et dangereuse à terme. Mais ce n'est pas du nazisme, il ne faut pas tout confondre même si certains en ont très envie!
Même Lieberman, le ministre de Netanyahou qui est démonisé en France comme fasciste d'extrême droite et "Le Pen israélien", ne peut être dit raciste; il n'a jamais eu l'intention qu'on lui prête d'expulser les arabes israéliens. Il souhaite une solution de type balkanique (peut-être l'influence de ses origines Moldaves): modifier le tracé de la frontière pour que des villages arabes de Galilée soient rattachés au futur Etat palestinien, ce qui repousserait pour un temps - sans le résoudre - le "problème démographique".

Quant à la situation intenable des Palestiniens dans les territoires contrôlés par l'armée israélienne à la suite de la guerre des six jours, c'est du provisoire improvisé qui dure depuis 1967 et qui pourrit de plus en plus. Le statut de ces territoires est la résultante de l'impossibilité pour Israël de les annexer sans devenir un Etat binational, ni de s'en défaire au profit d'un Etat palestinien qui refuse de naître, ni de s'en désinteresser à cause des attaques menées contre ses civils depuis leur base. Cette situation de non-droit et de vide politique a été rapidement comblée par des implantations juives et des milices armées palestiniennes. La situation est explosive, les colons israéliens se retranchent pour tenir le terrain. C'est une guerre larvée, cela n'a rien à voir avec l'Apartheid! N'oublions pas qu'il n'y avait ni mur, ni barrages, ni routes de contournement avant l'intifada.

Le fait que l'identité juive n'ait toujours pas trouvé son expression politique est le fond du problème. Grâce à elle, si l'on peut dire, se révèle l'intolérance radicale de l'Etat Nation - même démocratique - envers l'Etranger. Là où comme en France citoyenneté et nationalité se confondent, où l'identité nationale des minorités n'est pas reconnue, le problème reste occulté.
Dans le cadre de l'Etat Nation à la française qu'est Israël, l'identité juive se fait identité ethnico-religieuse, ce qu'elle n'est pas en réalité. La démocratie israélienne - comme celle d'autres pays à minorités autochtones importantes - a pris forme de démocratie ethnique: il y a rupture entre nationalité et citoyenneté, et la démocratie est amenée à avantager la majorité nationale au détriment des minorités nationales.

Quelle solution alors?
J'en suis arrivé à élaborer une solution politique originale. C'était inévitable: à problème unique, solution unique.

La solution des "deux Etats" ne résoudra pas le problème interne d'Israël Etat-juif et des Arabes de l'intérieur appelé "israéliens", c'est-à-dire "juifs" selon le sens véritable du nom "Israël".
Et puis les deux populations sont aujourd'hui beaucoup trop intriquées et interdépendantes pour survivre à une opération de séparation chirurgicale. D'ailleurs les Palestiniens, par la voix du Hamas, ont dit non à cette solution. 
Quant à l'Etat palestinien, s'il n'est pas rattaché à Israël d'une façon ou d'une autre, il ne sera jamais plus qu'un Bantoustan invivable. Et puis a-t-on jamais vu un mouvement nationaliste être prêt à partager sa patrie? Il est impossible que le futur Etat palestinien ne devienne à terme la base d'une reconquête du reste de la Palestine. C'est déjà le cas de la Bande de Gaza! Et Israël ne pourra que renforcer l'enfermement explosif des territoires...

La solution à un seul Etat est également impossible puisque aucun des deux peuples ne veut disparaître pour en former un troisième.
Impossibles à séparer, et impossibles à fusionner, c'est l'équation qui n'a pour solution qu'une alliance dans le respect de l'identité de chacun.

Le fait que les deux souverainetés nationales-territoriales israélienne et palestinienne aient leur légitimité et s'excluent mutuellement montre la voie: il faut que les deux peuples renoncent réciproquement à leurarabHebJer souveraineté territoriale respective au profit d'un souverain commun supra-national.
Nous aurons ainsi une sorte particulière de fédération à trois Etats: deux Etats-Nation indépendants mais non souverains sur le territoire, coiffés par un Etat fédéral territorial, pure expression de la souveraineté du droit, qui traitera des affaires communes aux deux peuples. Il sera fondé sur une constitution qui garantira l'indépendance et l'autonomie de chaque peuple et interdira à chacun des peuples de dominer l'autre. Chaque citoyen s'engagera personnellement à la respecter et jouira d'une double citoyenneté, nationale et fédérale.
Ainsi sera neutralisé le poison du nationalisme.
Chacune des deux nations aura son parlement qui légifèrera sur ses citoyens à titre personnel et non territorial. Ceux-ci pourront en principe habiter où ils veulent sans provoquer de problème démographique puisqu'ils ne voteront que pour leur propre gouvernement. L'administration devra être très décentralisée, sur la base d'une démocratie communautaire accordant une large autonomie aux collectivités locales. Celles-ci pourront choisir de maintenir un statu-quo de caractère national ou religieux, ou de permettre un développement mixte. En fait, la réalité sociologique sur le terrain est déjà bien proche de cela.

Les parlements nationaux et communautés ethniques (Druzes, Circassiens, Chrétiens arabes, etc.) enverront des délégués au parlement fédéral sur une base paritaire. Les délégués de chaque peuple seront choisis par les deux parlements conjointement (ou directement par tous les citoyens de la fédération) afin que des hommes soucieux de l'intérêt général, sachant s'élever au-dessus des intérêts nationaux étroits, soient choisis.
Le rôle de ce parlement non-national sera de veiller à un partage équitable des terres, des ressources naturelles du territoire et de ses infrastructures communes, ainsi que d'assurer la défense des frontières extérieures. Il gèrera les domaines communs: réseaux de transports et d'énergie, environnement, aménagement du territoire. Il devra limiter les disparités économiques et sociales entre les deux peuples. Il n'y aura de propriété de la terre que privée.
Toute loi fédérale acceptée d'abord par les deux parlements nationaux sera automatiquement paraphée par le parlement fédéral commun. En cas de désaccord, celui-ci tranchera selon une majorité qualifiée.

Les forces de défense de la fédération devraient idéalement être composées de soldats des deux peuples. Des soldats arabes, bédouins et druzes, servent déjà présentement dans Tsahal. Mais aujourd'hui la situation sécuritaire n'est pas symétrique: étant donné qu'Israël est entouré de pays arabes et que les Palestiniens d'Israël se disent solidaires de leurs frères arabes en premier lieu, la direction de l'armée devrait rester dans un premier temps aux mains des Juifs. Lorsque traités de paix et alliances militaires seront établis entre la fédération israélo-palestinienne et les pays arabes et musulmans, il n'y aura plus d'obstacle à ce que la direction de l'armée et des services de sécurité devienne elle-aussi paritaire.

Cette solution peut être mise en œuvre dès maintenant à l'intérieur de l'Etat d'Israël actuel, avec les Arabes israéliens. Lorsque j'ai découvert que des juristes palestiniens d'Israël sont eux-aussi arrivés indépendamment à pratiquement la même conclusion, je n'ai plus eu le moindre doute sur sa validité (voir la proposition de l'association Adalah). Il est probable que les Juifs feront plus de problèmes, croyant qu'ils ont plus à perdre...
Le rattachement de l'Autorité palestinienne ne devrait pas présenter trop de problèmes. La réussite de la fédération et les avantages considérables qu'elle apportera à ses citoyens devrait finir par isoler les extrémistes islamistes et venir à bout de l'opposition du Hamas.

Etant donné que le détestable problème démographique aura disparu, le droit au retour des réfugiés palestiniens et leurs descendants pourra être appliqué tout comme la loi du retour israélienne l'est pour les Juifs. Chaque nouvel immigrant devra s'engager à respecter la constitution qui défend l'indépendance de chaque nationalité. Celui qui ne reconnait pas le droit de l'autre n'aura pas sa place: pas de tolérance envers les intolérants!
Cet apport de population ne fera alors que renforcer le pays, contrairement à la situation actuelle où chacun craint les progrès de l'autre.

Les conflits éventuels entre les nationalités seront un problème interne à la fédération, et donc pris en charge par la police et les tribunaux fédéraux. En parallèle existeront des polices nationales et municipales qui assureront l'ordre de chaque groupe en lui-même et par lui-même.

La parité arabe/juive devrait garantir l'application du principe de réciprocité, fondement de la justice: ne fait point à autrui ce que tu détestes pour toi-même. C'est là toute la Torah selon le grand Hillel!

OldArabJewJérusalem jouira d'un statut spécial comme capitale fédérale, et l'on pourra alors dire: "La Tora sortira de Sion et la parole de l'Eternel de Jérusalem".
Nous aurons alors peut-être le privilège de voir se réaliser la prophétie selon laquelle toutes les Nations monteront à Jérusalem pour étudier son exemple de paix et de justice.

De fait, cette nécessaire solution politique fédérale peut être interprétée en termes religieux communs aux Enfants d'Abraham. C'est ce terreau et cet idéal commun qui la rendra possible et lui fournira l'énergie nécessaire: le souverain supranational n'est autre par nature que le Souverain du Monde révéré par les trois religions monothéistes.
La fédération des nations n'est rien d'autre qu'un nouveau visage de l'Alliance, à l'image du régime politique des tribus hébreues fédérées sous Moïse, et des tribus arabes sous Mahomet. Cette alliance des peuples d'Israël-Palestine peut être comprise comme un début de réalisation de la souveraineté du Souverain du monde, ribono shel olam, rab al alamin. Rien n'interdira que cette alliance des tribus monothéistes ne s'étende ensuite au reste des nations du monde. C'est le but que désirent chacun des trois enfants d'Abraham, chacun jaloux d'être celui qui va l'atteindre en premier.
Mais voilà, le conflit et sa solution à Jérusalem nous disent qu'ils devront l'atteindre ensemble, en faisant place chacun l'un à l'autre
.
En seront-ils capables? Ce pourrait être leur Jugement Dernier...

Friday, May 14, 2010

La solution fédérale

Le conflit israélo-palestinien est essentiellement un conflit entre souverainetés territoriales.
Territoire palestinien morcelé, Palestiniens devant traverser le territoire israélien entre Gaza et la Cisjordanie, familles éclatées entre les divers territoires, frontières et points de contrôle, droit au Retour de plusieurs millions de réfugiés palestiniens qui met en danger la majorité juive en Israël, près de 250,000 colons dans les implantations juives en territoire palestinien, 20 % de citoyens israéliens palestiniens qui pourraient demander leur autonomie ou leur rattachement au futur État palestinien, impossible partition de Jérusalem, tels sont les pièces d'un puzzle territorial impossible à construire.

Séparation politique - non territoriale
Israéliens et palestiniens savent très bien qu'il y a largement la place et les ressources pour que leur deux peuples puissent vivre ensemble sur le territoire entre mer et Jourdain en bonne entente, et même développer une coopération fructueuse. Mais ils ont d'abord besoin d'être séparés et indépendants pour pouvoir panser les plaies du passé, et pour pouvoir ensuite collaborer en tant que partenaires libres et égaux. Toutefois, les deux peuples sont si intriqués l'un dans l'autre que la solution de séparation par partage territorial est difficilement praticable et réserve d'innombrables sources de conflit pour le futur. Cette solution a surtout le tort de transformer le contrôle du territoire en moyen de contrôle de l'autre, et de faire de la domination du territoire un enjeu vital.
Je propose ici une solution qui permet aux deux peuples de se séparer politiquement sans partition territoriale, et de rendre leur existence indépendante du territoire, comme c'était le cas pour les Arabes nomades et les Juifs en exil.

Plus de "problème démographique"
Imaginons qu'un Palestinien puisse vivre où il veut sur le territoire d'Israël, tout en étant un citoyen palestinien qui vote pour le gouvernement de l'État palestinien. En quoi sa présence personnelle, individuelle, à Jaffa ou Haïfa me dérangerait-elle? En rien, puisque ne votant pas pour la Knesset, il ne risque pas de renforcer un camp arabe qui risquerait de devenir majoritaire et de prendre le pouvoir en Israël. Ainsi, la présence personnelle physique de citoyens palestiniens résidant en Israël ne met pas en danger le but fondamental du sionisme: assurer au Peuple Juif l'indépendance nationale, lui garantir que son sort ne dépend pas d'un autre peuple.
Même si un nouveau quartier arabe palestinien se développait dans l'une des villes israéliennes, en jouissant d'une autonomie communautaire entière dans la gestion de ses affaires municipales, en quoi cela me gênerait-il dans ma vie quotidienne d'Israélien? Et si cette population palestinienne devenait de plus en plus nombreuse, et même majoritaire dans certaines régions, en quoi cela me ferait-il problème si ces Palestiniens continuent à être des citoyens palestiniens qui votent pour leur gouvernement et non pour la Knesset? Quels que soit leur nombre et leur autonomie communautaire, des citoyens palestiniens de l'État de Palestine résidant en Israël ne mettront jamais en danger la majorité juive de la Knesset, et le caractère juif de l'État d'Israël.
Ce qui fait peur, c'est qu'une communauté palestinienne importante puisse demander ensuite son rattachement à l'État palestinien, entamant d'autant le territoire israélien. C'est la métaphore généralement employée du salami: découpé tranche après tranche. Ce qu'il faut voir, c'est que le danger réside dans le caractère territorial du rattachement, et non dans son caractère politique, qui ne gène personne. Or, ce danger existe déjà, au moins dans la tête de nombreux Juifs israéliens, en ce qui concerne les citoyens arabes palestiniens d'Israël.

La solution idéale est que les deux États israélien et palestinien perdent tout caractère territorial et que leur souveraineté n'ait par essence qu'un caractère purement personnel: la souveraineté s'applique alors aux individus et non au territoire. Autrement dit, la loi de chaque État, à l'image de la Halakha et la Shaaria`, soumet et libère chacun de ses citoyens personnellement, et non le territoire où il se trouve. Des Arabes peuvent alors vivre au milieu de populations juives, des Juifs peuvent vivre au sein de populations arabes, chacun détenant la carte d'identité délivrée par son gouvernement, sans mettre en danger la souveraineté nationale de leur voisin: chacun peut librement circuler et résider où il veut tout en restant soumis aux lois et aux modes de vie que son peuple à librement choisi. Le "danger démographique" disparaît alors. Cette notion détestable, qui fait à la naissance de chaque bébé innocent dans un peuple, résonner le tic tac de la "bombe démographique" pour l'autre peuple, cette notion haineuse n'aura plus de raison d'être. Chacun des peuples peut alors appliquer le droit au retour de ses exilés sans inquiéter l'autre. Loi du Retour pour les Juifs, Droit au Retour pour les Palestiniens, ne pourront être entravés.

Sécurité
Certes, me direz-vous, si vous m'avez suivi jusqu'ici, nous avons à présent deux États non territoriaux, à souveraineté personnelle, sur un même territoire commun et sans frontières intérieures. Tout cela est parfait, mais comment défend-on ce territoire d'Eretz Israël - Palestine de la souveraineté territoriale gourmande de ses voisins, comment s'assure-t-on qu'un des deux peuples ne réussira pas à dominer l'autre, comment allons-nous gérer ce territoire, les terres publiques, les routes, les réseaux d'énergie et de communication?
La solution la plus forte réside dans la création d'un cadre juridique commun souverain sur le territoire: une fédération, qui seule possèdera la souveraineté territoriale. Le territoire sera défendu, géré et détenu par la Fédération israélo-palestinienne. L'armée de défense du territoire devra comporter à terme des unités palestiniennes et israéliennes travaillant sous une direction commune, postées sur l'ensemble des frontières. Ne pas avoir seul le contrôle des forces de défense est certainement le plus difficile élément du compromis à accepter, car il sera assimilé par chacun à une grave atteinte à sa souveraineté nationale. Cette difficulté provient d'une confusion idéologique: dans un État de droit, c'est la Loi qui est instrument de la souveraineté, et non l'armée. L'organe exécutif de la loi, qui la fait respecter, est la police, et non l'armée. Ainsi, certains croient qu'en retirant son armée des "Territoires", Israël "donne" quelque chose aux Palestiniens, mais on ne peut donner ce que l'on ne possède pas! Les "Territoires" sont des territoires détenus militairement, ils n'ont jamais été annexés par l'État israélien. Seule l'annexion, élargissant la validité de la loi nationale aux territoires annexés, donne à l'État propriété sur ceux-ci, non l'occupation militaire. Ceci montre bien que c'est la loi qui réalise la souveraineté, et non l'armée. Le caractère territorial de la souveraineté nationale contribue à cette confusion: contrôlant le territoire, on croit le posséder et y avoir étendu sa souveraineté, alors qu'on ne fait que l'occuper et y imposer son ordre militaire. Il n'y a de souverain que choisi ou au moins accepté par son peuple.
Les forces militaires seront donc une armée de défense fédérale, associant unités israéliennes et palestiniennes, pur instrument de défense - selon l'idéal originel de Tsahal - dont le but est uniquement la défense des frontières extérieures.
Il existe une solidarité naturelle qui unit les Palestiniens et les autres peuples arabes de la région. Pour répondre aux soucis sécuritaire des Israéliens, la direction de l'armée ne deviendra paritaire que de façon progressive, à mesure que des traités de paix auront lié les Etats arabes à la Fédération.
L'ordre et la sécurité intérieure seront assurés par des forces de police exclusivement: police israélienne, police palestinienne, polices municipales aux pouvoirs renforcés, et police fédérale comprenant des unités mixtes.
L'attribution de compétences et de pouvoirs élargis aux municipalités et mairies de quartier sera un moyen efficace de limiter les frictions entre les deux peuples.

Citoyenneté fédérale commune et égalitaire
Une commission paritaire israélo-palestinienne gérera conjointement les terres publiques et les ressources en eau, en assurant équitablement le développement urbain et agricole des deux populations.
Tous les domaines relevant de la gestion du territoire dans son ensemble: environnement, voies de communications, réseaux d'énergie et d'information, seront du ressort de l'administration fédérale.
La protection sociale, la santé et tout ce qui relève des droits de l'homme en général sera de ressort de l'Etat fédéral; une commission économique fédérale devra veiller à réduire les disparités économiques entre les deux peuples.
L'administration fédérale contrôlera le droit d'entrée et de résidence sur le territoire fédéral.

Jérusalem
Jérusalem sera à la fois la capitale politique de la fédération et des deux États non-territoriaux. La municipalité fédérale coordonnera l'action des différentes mairies de quartier juives et arabes en harmonisant leur développement. Ce schéma pourra être le modèle de fonctionnement des différentes villes mixtes du pays.
Jérusalem résume aujourd'hui tous les conflits entre les deux peuples, et sera le symbole vivant de leur résolution: à la fois capitale fédérale unifiée et double capitale de deux États - Yéroushalayim-Al Quds - Jérusalem symbolisera l'unité dans le respect des différences, sans mur ni barbelés.
Nous aurons alors peut-être le privilège de voir se réaliser la prophétie selon laquelle toutes les Nations monteront à Jérusalem pour étudier son exemple de paix et de justice.

Yehuda